Xavier Regnaut, Partner VISCONTI, reçoit aujourd’hui Mohammed El Bojaddaini, président fondateur de Curecall.
Serial entrepreneur dans le monde du sport, de la nutrition et à présent dans l’innovation digitale au service de la santé, il aborde la complexité de l’évolution d’une start-up dans ce secteur.
Curecall est une société spécialisée dans les solutions conversationnelles santé. Son objectif est d’outiller les professionnels de santé afin de répondre à des problématiques de prise en charge et de gestion au quotidien. L’idée est de faire gagner du temps afin de mieux prendre en charge leurs patients.
La solution de Curecall est particulièrement dédiée à l’ophtalmologie. Elle permet de suivre les maladies chroniques ophtalmologiques et de fluidifier le parcours ambulatoire.
Comment, dans son parcours personnel, Mohammed El Bojaddaini est-il arrivé à la création de Curecall ?
Il y a eu plusieurs étapes. Mohammed a eu une expérience au Japon qui l’a poussé à se poser énormément de questions existentielles. Ensuite, il a eu plusieurs expériences d’entreprenariat, la plus marquante fut celle dans le domaine de l’édition de jeu rugby. Il a fait face au décès de son associé.
Cette épreuve l’a poussé à se poser la question de la prise en charge des patients dans le domaine de la santé. Curecall est né de l’interaction entre Mohammed, son associée et Pharmaceutical*.
*Industriel produisant des traitements pour des laboratoires, organisations médicales.
Y a-t-il une spécificité particulière entre le monde de la santé et le digital ?
La santé est un écosystème particulier. Elle est prise en charge par l’Etat donc son environnement entrepreneurial n’est pas classique. Le marketing de la santé ne peut logiquement pas être fait comme celui d’un autre secteur. Pareil pour le test and learn.
Il y a de fortes contraintes d’exécution dans ce secteur. Et de grosses contraintes marché. Dernière spécificité : le recrutement. Car les temps d’exécution sont très longs.
Quelle a été l’organisation chez Curecall en termes de politique de talent et de ressources humaines pour attirer, recruter, conserver et former ?
Cette question est au cœur des réflexions menées par Mohammed et son équipe. Il y a un paradigme de changement dans le recrutement en ce moment.
À ce sujet, le premier élément est le rapport de force, qui se déplace vers les salariés.
Deuxième élément : le freelancing se développe énormément, il est donc nécessaire de réinventer les process de recrutement et les méthodes de collaboration.
Ils sont aujourd’hui sept chez Curecall et ont un équilibre, une culture d’entreprise spécifique, et Mohammed tient à protéger cette culture. Pour ce faire, ils réinventent leurs process de recrutement en ayant d’abord des microprojets sur lesquels collaborer. Cela leur permet de voir si les logiciels peuvent fusionner et si, ensemble, il est possible de créer de la valeur.
Il y a donc un défi spécifique au secteur de la santé, auquel il faut ajouter toutes ces évolutions de recrutement et du monde du RH. La solution que Curecall a trouvé est un processus de recrutement qui ne passe pas par des entretiens classiques. Tout d’abord, ils rencontrent le candidat et apprennent à le connaître humainement, une fois cela effectué, ils collaborent sur des petits projets, puis enfin envisagent que la personne devienne salariée.
Le niveau académique est juste un ticket d’entrée mais le parcours de recrutement est bien plus important…
Il est possible d’avoir des personnes très compétentes dans un domaine mais qui ne vont pas forcément s’adapter à tous les environnements. Un état d’esprit adapté à un secteur ne peut s’apprendre rapidement. Selon Mohammed El Bojaddaini, il faut tendre vers ce rapport au recrutement, au salariat, à la collaboration. Aujourd’hui, la compétence est une commodité car tout peut s’apprendre.
Curecall évolue dans un marché compliqué mêlant santé et digital, avec des concurrents puissants, alors comment fait l’entreprise pour recruter les meilleurs talents ?
Il n’y a pas de recette. Mais ils ont identifié un besoin de sens. Les gens souhaitent signifier leur quotidien à travers leur travail. Cette tendance s’accélère aujourd’hui. Curecall évolue dans un marché qui a du sens, cela facilite donc le recrutement.
Mohammed possède un alignement très fort, a-t-il développé un process particulier pour transférer cet enthousiasme à ses équipes ?
Comme tout un chacun, Mohammed a son propre cheminement avec ses outils personnels pour signifier son quotidien, signifier son travail, signifier ses relations avec ses salariés, collaborateurs ou partenaires.
Il y a un alignement chez lui, certes non permanent, mais il essaye de tendre vers un équilibre et d’avoir toujours des éléments à partager à ses équipes. Ils ne sont donc pas dans un schéma classique patron-salarié.
En effet, Mohammed n’est pas dans un rapport d’autorité, il se voit plus comme un « patron-stagiaire », il est dans la collaboration et privilégie le lien humain. Cela implique conséquemment de ne pouvoir travailler avec tout le monde. Cette notion de patron-stagiaire implique une volonté d’être au service de ses salariés, eux-mêmes au service de la mission de l’entreprise, d’entretenir leur bien-être afin de les aider à accomplir leur mission.
Dans une telle construction d’entreprise, l’actionnariat de Curecall doit être comblé puisque le bien-être au travail fait partie de la valeur d’une entreprise…
Mohammed El Bojaddaini possède d’excellentes relations avec ses actionnaires et partenaires. La bienveillance vis-à-vis des salariés est une valeur partagée. Pendant longtemps, leur focus s’est posé sur la création de valeur pécuniaire sans prendre en compte les conséquences négatives. L’idée à présent est de se demander comment prendre soin de l’être humain qui est l’actif essentiel d’une entreprise. Le Care est la base et par la suite la rentabilité économique suivra naturellement. Cela s’inscrit dans une vision long-terme.
Xavier REGNAUT
« La vérité nous rend libre ». JP II